Personnage unique: Ruha

UN SEUL ACTE – 4 scènes consécutives, sans interruption.

Mise en scène: sur la scène la table de cristal, l’œuf, des rideaux blancs légers, un écran pour la projection des images et un cercle dessiné au sol.

 

SCÈNE 1 (air[1]):

espace libre de toute chose; seule la présence de la table de cristal, avec au-dessus l’œuf encore à déballer; sur le plancher de la scène le dessin d’un cercle[2] (la table est positionnée au centre de ce même cercle); des effets divers (des rideaux qui bougent, emballage de l’œuf qui se trouvant par terre et qui bouge, etc.) pour faire comprendre la présence d’une douce brise; Ruha qui tournicotait autour de la table, en regardant dans toutes les directions tout en observant l’œuf. Il ouvre la boîte et la jette par terre, ensuite il place l’œuf à nouveau sur une base (ce qui fera  ressembler l’œuf à un gland) – sur la table de cristal;

Acteur: (Il porte un masque[3], un masque avec un visage androgyne[4] – blanc, simple sans expression- qu’il enlèvera ensuite dans la dernière scène): – voix hors champs: ah!… voici l’œuf. L’œuf habituel, … c’est un cadeau que je n’aime presque plus; … chaque année il me conditionne, il me cloue toujours à un personnage; … un personnage qui ne me reflète jamais vraiment … un personnage qui ne me représente jamais … ce n’est jamais moi … et moi? … moi, où suis-je entre-temps?

Projection à l’écran: image du labyrinthe de haies/vert (comme le labyrinthe de Villa Pisani à Stra –  Venise); Image du masque (un héros de Bande Dessinée, masque simple) qui, attaché à une corde, flotte sur le labyrinthe, déplacé par le vent;

Voix narrante hors champ (au début de la scène): dans une ère future … dans un temps à venir, il y avait un enfant: … son nom est Ruha. Et puis … il y avait son œuf.

 

SCENE 2 (terre):

Ruha, après avoir observé l’œuf de toutes les directions (restant lui debout et marchant tout autour de la table de cristal avec l’œuf au-dessus), regarde vers le haut et pus vers le bas; ensuite à nouveau l’œuf, qu’il prend entre ses mains (sans le soulever de la table) et en le faisant tourner sur lui-même; il décide de rejoindre un point d’observation différent, c’est-à-dire sous la table: l’œuf est ainsi placé entre lui et le plafond (ciel) avec la plaque de cristal au milieu; du dessous de la table, Ruha commence à étirer ses mains vers le haut, puis ses bras vers l’extrémité de la circonférence du cercle; il ferme les yeux d’une main, d’abord l’un, puis l’autre; puis il ferme les deux yeux; et puis il les rouvre; Il observe longtemps ses mains tendues vers le haut et vers l’œuf.

Acteur: (voix hors champ): enfin … moi, je dis que le conditionnement ne peut venir de l’extérieur, …. Moi  c’est moi, dans mon intérieur … Je suis pragmatique et ce que je suis, ce que je devrais être je l’ai déjà dans mon intérieur. Un œuf peut certainement contenir quelque chose … mais ce «quelque chose» ce n’est pas moi! …

Projection l’écran: champ d’épis de blé[5], notes musicales dessinées dans le champ de blé (comme les dessins dans le blé); notes qui apparaissent, puis disparaissent et réapparaissent à nouveau;

Voix hors champ: l’œuf de Ruha,… dans ce chaos de dimensions, de distances, de perspectives et sa main étirée là au beau milieu, apparaît une fois plus petite et une fois plus grande … Une fois plus claire,  une fois moins claire. Une fois il voit clairement tout l’espace autour et une fois non, … il dilate et rétrécit ses propres pupilles dans ce jeu de vision et de mise au point.

 

SCÈNE 3 (eau):

Ruha allongé sous la table; Tranquille et détendu; il observe l’œuf et le ciel plein d’étoiles qui s’obscurcissent et qui ensuite redeviennent limpides; il bouge ses bras et ses mains, vers le haut;

Acteur: voix hors champ: cette fois, je dis que c’est différent … l’œuf sera le concentré de tout,

voilà ce qu’il sera … il contiendra tout, toute chose … voilà, … mes possibilités infinies, … ma « possibilité » … Cet œuf, emballé ensemble avec d’autres cents, mille œufs, est arrivé ici, maintenant … dans cet océan du temps … le même Temps qui contient un morceau de mon Existence …

Projection sur l’écran: vaisseau de chasse capturant les baleines qui sillonne les océans; Image du vaisseau dans la tempête, ensuite dans les eaux calmes, puis à nouveau dans la tempête et puis encore dans les eaux calmes. Voiles amenées et voiles levées.

Voix hors champ : aucune

 

SCÈNE 4 (feu):

lumière brillant sur le visage de Ruha; expression de joie et de conscience; prise de conscience sur la vie, sur l’écoulement du temps et sur la poursuite de sa propre intelligence et de son être; lumière sur l’œuf et Ruha sort de scène (sans montrer son visage), désormais tout à fait conscient.

Acteur: – il enlève le masque – (voix hors champ):

Parfois j’ai de la lucidité et de la perspicacité à vendre

parfois j’aime à croire que je fais partie d’un dessein plus vaste de celui qui m’apparaît tous les jours,

d’autres fois je souffre de mélancolie pour ce que je n’ai pas été, et je suis déçu pour ce que je ne serai jamais…

d’autres fois, dans la multitude, c’est moi…

tant bien que mal … toujours.

Projection sur l’écran:

image du labyrinthe (dont la première scène) qui pâlit et puis disparaît, alors que le masque se libère de la corde où il était attaché; le masque survolant le champ de blé se jette alors dans la mer tout en prenant (semble-t-il, à peine) l’apparence d’une baleine; au loin le navire. Une personne adulte[6] (de dos) observe cette dernière scène du haut d’un promontoire, avec le soleil à l’horizon.

Voix hors champ:

À la fin, Ruha réalise sa petite vérité … cet œuf, son œuf, aurait contenu en soi-même tous les autres objets qui ne lui sont pas arrivés par une fatalité pure et simple. … quel qu’eût été l’objet à l’intérieur de l’œuf, il ne l’aurait vu que comme une manifestation d’une multitude invisible, mais tout de même présente. Invisible maintenant, en ce moment, mais certainement avec une réelle opportunité de manifestation sur l’axe de son propre Temps[7]. De sa propre existence, de quelque façon que ce soit … Son existence.

[1] La référence aux quatre éléments, en tant que «tentative» de comprendre l’immanent; une compréhension apte à une amélioration de la vie terrestre, une «intelligence primordiale évoluée»; un retour à une meilleure utilisation de la connaissance immédiate de l’homme (la philosophie de l’être et de la connaissance).

[2] Cercle: symbole du monde spirituel, du transcendant; Ici, le personnage de Ruha tente d’amener le transcendant (positionnant le cercle sous la table / carrée) dans le monde immanent: il raccourcit les distances.

[3] Symbole du masque de la fable de Phèdre : “… belle tête, mais de cervelle point ! …”.

[4] androgyne: formule archaïque de la coexistence de tous les attributs.

[5] Référence au vers de Eschyle : « La terre qui, seule, enfante tous les êtres et les nourrit, en reçoit à nouveau le germe fécond »

[6] Une image de personne (vue de dos) ne laissant pas déterminer avec exactitude son sexe, masculin ou féminin.

[7] Ici j’ai voulu insérer un rappel à un  dicton arabe, celui qui dit  « étudier depuis le berceau jusqu’à la tombe », c’est-à-dire pour toute la vie. Un souhait pour l’accroissement  continu de sa propre culture, indépendamment de la profession.

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